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Des financements alternatifs pour transmettre et reprendre une exploitation agricole

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Le financement n'est pas juste l'affaire du repreneur. Dans bien des cas, c'est aussi l'affaire du cédant. Anthony raconte.

Le financement n'est pas juste l'affaire du repreneur. Dans bien des cas, c'est aussi l'affaire du cédant. Ça lui demande parfois des efforts de déplacer ses curseurs et ses attentes et parfois une remise en question aussi. Le point de départ de tout ça est un prix juste. Il existe de nombreuses solutions de financements complémentaires ou alternatives à un prêt bancaire classique. Mais ce ne sont pas des outils qui viennent se cumuler pour augmenter les coûts. Dès le départ, un prix juste doit être fixé et on vient ensuite le financer avec les différents outils.

Anthony est installé depuis moins d’un an sur la ferme familiale. Son installation s’est faite via la reprise d’une exploitation extérieure en polyculture élevage. A l’occasion de l’évènement « Quels financements pour transmettre et reprendre une exploitation agricole ? », organisé par la Chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais, Initiatives Paysannes Hauts-de-France et la Safer dans le cadre des journées des partenaires du PAIT, Anthony a accepté de nous raconter son expérience.

A. « La ferme que je reprends à un tiers est une exploitation du polyculture élevage avec 110 hectares et 80 vaches laitières. Sachant qu’à la maison, nous avons déjà des bâtiments et qu’ils sont complets, on ne pouvait pas reprendre les vaches laitières. Le cédant aimait bien ses bêtes et ça se comprend. Mais il a bien compris qu'on en avait déjà aussi sur la ferme familiale. Donc, il y a une discussion qui s'est installée et il a décidé d'arrêter son élevage petit à petit jusqu'à la date de mon installation.

J'ai commencé le parcours à l'installation : la rencontre du PAIT, mon PPP et puis j'ai fait le stage 21h et la formation économique en plus, en lien avec la chambre d'agriculture.

Concernant la reprise de l'exploitation, on a rencontré quelques difficultés avec les propriétaires et à l’heure actuelle, je m'installe sur 67 hectares et non 110. Il y a donc 45 hectares qui sont partis à d'autres exploitants. Avec ce changement, ce n’était plus le même projet et on a dû trouver des solutions. Avec l’installation de mon frère il y a 5 ans, la capacité de financement sur l'exploitation familiale était un peu bloquée.

PAIT. Justement, sur le financement, puisque c'est la question qu'on se pose aujourd'hui ; quelles pistes ont été envisagées ? On se doute qu’avec plusieurs enfants et ici, deux installations, il faut que les parents puissent conserver une certaine équité.. Parmi les pistes envisagées, ont-elles toutes abouties ? Est-ce que vous en avez mis certaines de côté ou au contraire, est-ce que vous en avez privilégié d'autres ?

A. Le point de départ, c'est de parler avec son cédant. Personnellement, c’est quelqu'un que je ne connaissais pas du tout et que j'ai appris à connaître. Dans les premières discussions, on se disait des choses mais on n'avait pas de preuves que ça allait tenir sur le long terme. Mais il faut faire confiance aux gens.

Sur la ferme, lui, il avait dit « C'est un tout. Si je cède, c'est tout ou rien » Donc, c'était aussi bien bâtiment et foncier que maison et corps de ferme. On s’est alors exprimé sur le fait que la reprise des bâtiments serait peut-être compliqué. Puis, il y a eu la perte de surface… Donc, on a fait plusieurs études économiques et on s'est dit pourquoi ne pas faire un étalement sur 5 ans.  C’est de là qu'est née l'idée du pré vendeur.

PAIT. Comment vous lui avez amené cette idée-là et comment ça a été reçu justement ? Comment le cédant de son côté a reçu, a perçu cette idée de s'engager ?

A. En fait, on lui a dit clairement les choses. Comme je vous ai dit, mon frère s'est installé il y a cinq et la capacité de financement n'était pas au maximum. Il fallait peut-être que chacun mette un peu d'eau dans son vin, si on voulait rester sur le projet de cession. Alors, on a parlé avec le banquier, avec le centre de gestion…les acteurs qui nous entoure pour trouver une solution.

Ce n’est pas facile parce qu’on se demande quoi faire, si on doit annuler le projet… Enfin, ce n’était pas évident ! Et puis, on  a proposé au cédant de payer les bâtiments dans 5 ans.  Il nous a écouté et était plutôt partant mais s’est posé la question de la garantie. Comment peut-il être sûr que dans 5 ans, je ne vais pas change d’avis et ne pas lui acheter ses bâtiments ? On s'est alors rapproché du notaire pour le rassurer et cadrer les choses et c’est le prêt vendeur qui a primé.

Au départ, nous avions pensé à la  location avec achats dans 5 ans. mais nous souhaitions être propriétaire du bâtiment dès l’installation. Alors l’idée a été écartée.

PAIT. Est-ce que vous pourriez du coup nous présenter en quelques lignes le prêt vendeur ? Quels sont les garanties pour vous et pour le cédant ?

A. Le prêt vendeur est réalisé par acte notarié, il a donc une garantie et une sécurité de chaque côté. La somme correspond à 40 % de la cession, ce qui n’est pas rien ! Pour apporter une garantie au cédant, on lui a versé un acompte de 10% au moment de l’installation. Le reste est prévu pour dans 5 ans. Là où j’ai de la chance c’est que, en acceptant de décaler le versement de la somme,  le cédant aurait pu mettre un taux d’intérêt par an. Ce qu’il n’a pas fait. Un peu comme un différé… mais sous la forme d’un prêt vendeur pour apporter la garantie à toutes les parties.

PAIT. Et sans la participation, sans cette bonne relation avec le cédant et son accord, est-ce que le projet aurait quand même pu se concrétiser ou pas ?

A. Le projet aurait peut-être pu se concrétiser dans le sens où nous avions l’accord de la banque pour la totalité. Mais une autre banque nous avait quand même mis en garde. Après, mon frère et moi-même avons fait des études de gestion agricole, alors on s'est vite rendu compte que nous allions avoir la tête sous l'eau. Nous ne voulions pas avoir cette pression de se demander chaque matin « comment on va faire pour rembourser ? ». Donc si on n'avait pas eu cette option-là, je pense que le projet aurait peut-être pu tomber à l’eau.. Donc c'est un peu le parcours à l’installation et l’accompagnement qui nous ont permis de trouver un accord entre les deux parties. Et bien entendu le cédant, qui a bien joué le jeu !

Le tout, c'est d'en parler, d’échanger sur les inquiétudes de chacun pour trouver des solutions avec nos conseillers. C'est construire une confiance aussi. Ce que je veux dire, c'est qu'il est important de s'approprier un petit peu tous ces dispositifs qui existent, les connaître pour pouvoir être force de proposition auprès du cédant pour négocier quand on sent que le projet va nous échapper. Même si la globalité du projet est difficile à absorber pour un jeune, c'est son projet. Donc c’est à lui aussi, accompagnés des conseillers, d’être moteur de son propre projet. Il faut parler avec tous les acteurs, prendre connaissance des choses et savoir s'en servir."

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